Un programme de formation bouddhiste à l’engagement social

La Voie du Bouddha est fondée sur un double engagement : se libérer des peurs et prendre soin du monde. Aujourd’hui, comment actualiser ces engagements dans les situations qui sont les nôtres, qu’elles soient personnelles, interpersonnelles mais également sociales, économiques ou politiques ? Comment créer les outils et les méthodes d’une véritable transformation qui ne ferait plus de distinction entre se changer soi-même et changer le monde ?

Le programme BASE (Bouddhisme Action Sociale et Engagement) est un programme qui explore toutes ces questions.

Son principe : Pendant une durée limitée dans le temps (six mois habituellement) un collectif de personnes approfondissent concrètement et ensemble la Voie du Bouddha à travers cinq engagements dont celui de consacrer une partie de leur temps à une activité sociale. Elles forment un groupe coopératif qui se réunit périodiquement pour partager ses expériences et se doter d’outils pratiques de compréhension et d’action.

Ce programme est l’adaptation française du programme BASE (un acronyme pour Buddhist Alliance for Social Engagement, « l’Alliance bouddhiste pour l’engagement social ») développé depuis 1995 au sein du Buddhist Peace Fellowship, le principal réseau de bouddhistes engagés aux États-Unis. Le bouddhisme engagé est une perspective qui intègre la dimension des souffrances collectives et sociales.

Le programme s’appuie sur deux propositions :
– La réflexion ne précède pas l’action, l’une se nourrit de l’autre.
– Le chemin est le but, le programme est conçu comme un processus créatif.

Pour qui ?

Ce programme s’adresse à toutes les personnes qui souhaitent intégrer la pratique du dharma dans leur vie familiale, professionnelle ou sociale et répondre d’une manière concrètes aux souffrances individuelles ou collectives.

Les cinq engagements

Le programme BASE est volontairement souple, jouant sur le processus dynamique et les interactions qui se créent dans chaque groupe.

Les modalités pratiques, les actions, la périodicité des rencontres, les thèmes abordés et explorés sont fixés par chaque groupe, mais ils reposent toujours sur cinq engagements pris par l’ensemble des participants :

1/ Prendre soin : Chaque participant s’engage à consacrer une partie de son temps pendant toute la durée du programme à prendre soin (pris au sens le plus large), le plus souvent dans un cadre institutionnel. Cette action peut prendre la forme du bénévolat voire même d’une activité salariée, qu’il s’agisse de soulager directement la souffrance de personnes en détresse (aide aux mourants, aux malades, etc.) ou de participer à des structures associatives qui œuvrent dans le champ d’une transformation sociale. Un minimum d’une demi-journée par semaine paraît nécessaire.

2/ Comprendre et apprendre : Chaque participant s’engage à élargir sa compréhension des souffrances ainsi qu’à explorer les peurs, les conditionnements et les obstacles aux changements (qu’ils soient personnels ou collectifs). Le groupe s’initie et approfondit l’utilisation d’outils pédagogiques : la lecture, les formations ou l’apprentissage de techniques particulières bouddhistes ou non (la communication non-violente par exemple).

3/ Pratiquer le dharma : Chaque participant s’engage à cultiver le don, l’attention, la méditation, la non-violence, la parole juste comme autant d’exercices de compréhension de soi et du monde.

4/ Se soutenir mutuellement : Toute transformation a besoin d’un soutien. Le groupe offre un cadre bienveillant où chaque personne peut à la fois soutenir et être soutenu. La participation au groupe est comprise comme une autre forme de pratique.

5/ Participer : Chaque participant se sent engagé par ce programme et par sa volonté de transformation. Il s’engage à mener l’expérience jusqu’au terme préalablement fixé par l’ensemble des participants et à se joindre à l’ensemble des rencontres prévues.

Modalités de fonctionnement

Chaque groupe définit  le mode de fonctionnement nécessaire à sa cohésion et sa dynamique. Il doit cependant reposer sur un cadre clair et structurant :

• La durée : Le programme doit être marqué par un début et une fin où chacun se sent solidaire des autres pendant toute sa durée. Une durée de six mois est souvent retenue. Le groupe peut éventuellement décider de reconduire son travail à l’issue de cette période initiale.

• La périodicité des rencontres : Elle dépend de la disponibilité de chacun, mais il est évident que la cohésion et la dynamique du groupe se nourrissent de la régularité des rencontres. Le programme du Buddhist Peace Fellowship suggère idéalement des rencontres de deux heures par semaine et d’une journée ou d’un week-end par mois.

• Le contenu des rencontres : Le groupe est d’abord conçu comme un espace de parole, de partage et de soutien. Il peut également étudier des ouvrages sur l’engagement, faire l’apprentissage d’outils pratiques ou définir des actions communes. Les rencontres mensuelles permettent d’intégrer des formations plus spécifiques. Des intervenants extérieurs peuvent être invités à cette occasion.

• La taille du groupe : La taille d’un groupe varie normalement de cinq à dix participants. Au-delà, il paraît difficile de laisser un espace d’expression suffisant à chacun.

• L’animation : Chaque groupe doit travailler sous la responsabilité d’un animateur, une personne expérimentée dans la pratique du dharma et dans l’animation de groupe.

• Les règles de conduite : Le groupe est un espace de confiance et de respect, la confidentialité des échanges est requise. La participation au groupe suppose d’apprécier chaque personne, d’accueillir les différences et d’intégrer les difficultés de chacun. Les participants doivent être conscients de la dynamique des groupes avec ses possibles conflits.

La mise en place d’un groupe local

L’ensemble des expériences menées en France depuis 2013 nous ont conduit à préciser certains points et à accorder une grande importance à la constitution d’un groupe local. Il s’agit en effet d’expériences novatrices qui demandent une bonne compréhension des enjeux et des engagements de chacun.

Les réunions préparatoires

Deux réunions préparatoires s’avèrent nécessaires, la première deux mois avant la mise en place du groupe, la seconde un mois avant :

– La première réunion permet d’expliquer la philosophie du programme, ses modalités pratiques, de répondre aux différentes questions et de réfléchir à d’éventuels cas particuliers. L’intervenant est l’un des référents du programme en France (Éric Rommeluère et/ou Jocelyn Mayaud), à défaut un animateur d’un autre groupe local.
– la seconde réunion permet de valider le cadre retenu par l’ensemble des participants, les modalités du programme, les dates de réunion, etc. Les actions personnelles des participants sont exposées et validées à cette occasion. Elles débutent immédiatement. L’animateur est également choisi à cette occasion.
Dans la période intermédiaire entre la première et la seconde réunion préparatoires, le ou les initiateurs du groupe, en concertation avec les référents du programme, orientent les personnes qui souhaitent participer au programme.

Les rôles

Le référent a un rôle de superviseur. Il intervient en amont de la mise en place d’un groupe local pour valider l’ensemble des choix et répondre aux questions. Il n’est pas présent physiquement aux réunions du groupe et n’intervient qu’à sa demande. Il est néanmoins tenu régulièrement informé de l’évolution du groupe.

Pendant toute la durée du programme, l’animateur est le garant de sa cohésion et de sa raison d’être. Il a une bonne maîtrise des enjeux et des pratiques utilisées pour les avoir déjà expérimentées au sein d’un groupe et/ou avoir suivi une formation spécifique à l’animation des groupes BASE. Il n’est pas nécessairement l’initiateur d’un groupe local. Nous recommandons de procéder à une élection sans candidat pour le désigner. (Voir la procédure sur le site de l’Université du Nous).

Sur la signification du premier engagement, « Prendre soin »

Il s’agit d’une action identifiée qui vise à soulager une souffrance qu’elle soit individuelle ou collective, le plus communément un engagement bénévole au sein d’une association existante dont la structure et l’encadrement permettent d’agir immédiatement et concrètement (Emmaüs, La Croix Rouge, Le Secours Catholique, etc.). L’action retenue doit débuter entre la seconde réunion de préparation et la première réunion formelle du groupe de telle façon que dès cette première rencontre, les participants puissent interagir à partir de leurs actions.

Souvent, des participants ont eu ou ont encore des engagements bénévoles. Autant que possible, nous recommandons de ne pas entreprendre une action dans un domaine que l’on maîtrise ou que l’on connaît déjà, mais d’aller à la découverte d’autres espaces, d’autres rencontres avec l’esprit neuf.

Les professionnels de santé ou de soin peuvent éventuellement considérer leur activités professionnelles comme relevant de l’engagement de prendre soin au sens du programme. Ce choix doit être discuté et, s’il est retenu, validé avec le référent avant la seconde réunion préparatoire.

Sur la signification du troisième engagement, « Pratiquer le dharma »

Les participants suivent les enseignements du Bouddha, s’efforcent de les étudier, de les mettre en pratique et de les actualiser. Ils s’inscrivent habituellement dans le cadre d’un groupe existant, d’une tradition ou d’une relation avec un enseignant. Si un participant est débutant, il accepte d’être orienté le temps du programme par l’animateur qui peut lui conseiller tel ou tel centre bouddhiste ou lui donner des indications pratiques.

Les étudiants de toutes les tradition bouddhistes sont les bienvenus dans les groupes BASE. Nous ne demandons pas d’avoir pris refuge dans les trois trésors.

Les pratiques

Un groupe BASE est un espace de changement personnel et collectif. Différentes pratiques collectives sont utilisées, elles structurent le groupe mais sont par elles-mêmes des outils de changement. Actuellement, nous avons développé cinq pratiques : la pratique du cercle (la pratique d’une parole partagée dans l’écoute bienveillante) ; la méditation du goût unique (une marche méditative) ; le rituel (deux rituels d’ouverture et de clôture) ; le partage du repas (dans le silence partagé) ; le partage du silence (un temps méditatif et de ressourcement). L’animateur doit avoir une bonne maîtrise de ces pratiques pour les conduire et les expliquer.

Le journal

Nous recommandons la tenue d’un journal où sont notées les modalités propres à chaque groupe, les choix retenus, mais également les difficultés rencontrées et les solutions abordées. Le journal est interne au groupe mais communiquées au référent. Sous réserve de l’accord explicite de l’ensemble des participants, le journal pourra être anonymisé et communiqué à d’autres groupes BASE.

À lire

Pour un aperçu détaillé des expériences menées aux États-Unis, il est recommandé de lire les deux cahiers publiés en 1997 et révisés en 2001 par le Buddhist Peace Fellowship, A Handbook for the Creation of the Buddhist Alliance for Social Engagement (disponibles à la page Projets), ainsi que l’article de Donald Rothberg, Que devons-nous faire ? Petits groupes et pratique du bouddhisme engagé.

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